Mauriane Ongolo, fondatrice de l'association genevoise Action-Intégration, incarne le bonheur en couleurs dans les quartiers multiethniques des Libellules et du Lignon.
L'association Action-Intégration, créée le 8 mars 2011, offre à la fois accueil, conseils et notions de civisme aux étrangers débarquant à Genève, sans domicile et sans repères. Mauriane Ongolo, d'origine camerounaise, en est la figure emblématique.
Comment vous est venue l'idée de créer cette association ?
Cela s'est fait au cours d'un repas familial. On discutait. Il faut savoir que ma famille est une petite planète à elle seule avec des personnes venues de six pays différents. Donc on partage de grands repas multiculturels. Et un jour ma belle-soeur, pédiatre, nous racontait son étonnement de voir des enfants obèses parmi ses patients établis en Suisse et originaires de Chine, de Somalie ou d'Ethiopie. L'obésité étant rare dans ces pays, on s'est dit que leurs parents ne connaissaient peut-être pas ici les bons ingrédients pour bien les nourrir…
Leurs enfants mangeaient un peu n'importe quoi… ?
Oui c'est ça. Leurs parents, pour faire simple, leur donnaient à manger ce qu'ils trouvaient, à commencer par les chips. Et on s'est dit qu'on pourrait leur faire connaître les fruits et légumes suisses qu'ils ne connaissent pas et ainsi remplacer certains ingrédients de leurs recettes afin de mieux nourrir leurs enfants. Ce serait aussi, pour ces personnes, un premier pas vers l'intégration dans la communauté genevoise. Quelqu'un autour de la table a dit : « On y va. » Un autre a dit : « action ! intégration ! » L'association était née !
Et le nom était tout trouvé.
Nous nous sommes d'abord présentées comme une association pour l'intégration des femmes étrangères. C'était à nos yeux une façon de prendre un peu de pouvoir aux hommes autour de nous, car nous sommes souvent issues de pays et de cultures privilégiant le masculin. Cela étant, toutes les activités que nous avons organisées restaient ouvertes aux hommes.
La plupart des personnes qui contactent votre association aujourd'hui vous demandent d'abord comment trouver un logement, un permis de travail. Mais ce n'est pas vous qui cherchez un emploi pour eux ?
Non, notre rôle est de leur expliquer les codes de vie à Genève. Et
les petites choses du quotidien, parfois. S'intégrer c'est quoi ? C'est déjà prendre le bus toute seule ou tout seul…
Et vous faites quoi ? Vous les accompagnez à l'arrêt de bus ?
On leur explique qu'il y a des bornes où on peut acheter son ticket. On leur montre des photos, des pictogrammes. Comment sélectionner le bon ticket et comment lire les adresses. Il y a des personnes qui ne parlent pas encore le français. En fait c'est basique. On leur apprend aussi à dire bonjour, s'il vous plaît, merci.
Elles arrivent d'où, ces personnes ?
De partout, d'Italie, des Philippines, du Portugal, du Kosovo… On prend le temps de discuter avec elles de sujets qui les intéressent. Je les encourage beaucoup à parler, cela améliore leur maîtrise de la langue. On les entraîne à demander un renseignement. Parce que si elles ne le font pas, elles ne progresseront pas sur la voie de l'intégration. A un moment donné, on a accueilli une vague de femmes somaliennes qui étaient perdues. Elles ne sont pas venues à l'association, c'est moi qui suis allée à leur rencontre dans le parc que nous avons ici aux Libellules. J'ai discuté avec elles. Elles m'ont dit : « Mon mari ne me permet pas de sortir ! » J'ai dû leur faire comprendre qu'on est en Suisse, que la Suisse est un Etat de droit et qu'elles ont le droit de faire ceci ou cela, d'aller par exemple faire des commissions seules sans attendre le retour du travail de leur mari ! Ensuite on se recroisait au parc. Je me rendais compte que rien n'avait changé pour les femmes dont le regard restait évasif, mais il y en avait aussi qui venaient me remercier !
Vous leur apportez aussi des notions de civisme, chose importante pour vous.
Oui c'est très important. Si quelqu'un veut s'intégrer, il doit savoir comment fonctionnent les institutions, ce qu'est le Grand Genève, et c'est ainsi qu'il y trouvera son compte. Parce qu'il ne faut pas venir avec des a priori, se dire : « Oh ! Les gens ici sont trop sérieux ! » Non, les Genevois sont capables de fêter et de rigoler aussi ! Mais on ne plaisante plus lorsqu'on aide les candidats à préparer leur examen de naturalisation. Avec des feuillets, des pictogrammes pour leur apprendre ce qu'est le Jet d'eau, le pont de la Coulouvrenière, les perches du lac, la longeole, le Rhône… Histoire, géographie, instruction civique au niveau de la Suisse, du canton de Genève et de la commune de Vernier.